Il y a des lectures qui instruisent et des personnalités qui nourrissent et agrandissent notre regard… La biographie sur Charlotte Perriand (1903-1999) dressée par Laure Adler, est de tout cela. 

Ce livre qui retrace la vie de cette femme libre, modeste et visionnaire (que j’affectionne tant), longtemps restée dans l’ombre de Le Corbusier (1887-1965), dont elle fut l’élève puis la collaboratrice (avec Pierre Jeanneret ), met en lumière un métier, qu’est le mien, à la croisée de l’architecture intérieur, du design et de la décoration.

Voici le partage de quelques passages qui illustrent bien ma vision des choses, mes valeurs et certains de mes préceptes.

« Charlotte Perriand répétait souvent qu’il faut « avoir l’œil en éventail ». J’aime tout particulièrement cette image.

En effet, être designer d’intérieur et décorateur-ensemblier demande non seulement de placer l’humain au cœur de sa réflexion et d’entrevoir l’espace de vie dans son entièreté, et à toutes les échelles, mais également d’avoir l’œil ouvert et curieux sur tout ce qui nous entoure, pour nourrir continuellement notre créativité et apprendre à voir le Beau dans tout et partout.

Charlotte avait le sens du collectif et s’engagera toute sa vie à mettre ses talents au service des plus démunis et du plus grand nombre. Selon elle « l’utile et le moderne peuvent être beaux sans être chers » et « ce qui est beau n’est pas forcément cher ». Elle dit également que « L’utile peut être beau et la beauté peut être utile. Sont utiles et belles les formes qui révèlent l’accord entre les exigences de la matière et les aspirations de l’esprit. »

Celle qui révolutionnera l’art de l’habitat avec cette notion de « beauté pour tous » écrira d’ailleurs en 1940 : «  Mon opinion est que l’Art est dans tout. Faire l’amour est un Art… Bien faire la cuisine est un Art… Bien vivre est un Art ».  Elle s’attachera tout sa carrière à « créer des intérieurs simples, calmes et sereins avec une absence d’encombrement de l’espace propice aussi bien à la méditation qu’à la prise de conscience de son propre corps. » « Habiter et vivre, vivre et habiter, ne font plus qu’un. »

En 1966 Charlotte dira ceci : « L’habitat de l’homme m’a toujours passionnée à travers le temps et l’espace. […] Cellule individuelle dans une vie collective, […] l’habitat ouvert ou replié sur lui-même, intériorisé dans son harmonie propre, créé avec la recherche de la divine proportion. »

Charlotte, cette « inventrice, bricoleuse, et penseuse de l’avenir » « ne peut pas concevoir sa profession et son art de bâtir en dissociant l’équipement de l’architecture, et l’architecture de son environnement »…ce qui fait résonnance à son parcours d’études. Entrée en 1920 à l’École de l’Union centrale des Arts décoratifs, à Paris, où « le dessin, la décoration, l’art de l’intérieur et la construction étaient enseignés indifféremment pour des futurs « artistes décorateurs » qui devaient savoir tout faire, elle en ressortira diplômée en 1925.

Je terminerai ici mon article en précisant que c’est  dans ces mêmes années que nait le terme d’ ensemblier ou d’architecte décorateur, définissant précisément l’artiste décorateur concevant la décoration intérieure dans sa globalité. Ensemblier étant un terme que j’emploi volontiers pour me définir. Vous comprendrez un peu plus maintenant pourquoi.